La stratégie de l’électrification a changé chez Dacia. Suite à la nomination de sa nouvelle PDG, la marque roumaine a redéfini ses objectifs quant au déploiement de ses futurs modèles électriques. La première étape est fixée : une nouvelle citadine électrique en 2026 à moins de 18 000 €.

Le groupe Renault surprend en confiant la direction de Dacia à Katrin Adt, forte de 26 ans d’expérience chez Mercedes-Benz. Son arrivée questionne : comment une cadre issue du luxe allemand pilotera-t-elle l’avenir électrique d’une marque réputée pour son pragmatisme et ses prix serrés ?

L’événement coïncide avec le départ de Denis le Vot, figure qui avait accompagné la montée en gamme progressive de Dacia. Sous sa direction, la marque a quitté l’image du “low-cost brut” pour s’imposer comme une alternative intelligente : offrir l’essentiel sans superflu, mais avec une touche de sophistication.

Un profil atypique face au défi de l’électrique

Katrin Adt a construit sa carrière dans le retail et la stratégie commerciale chez Daimler. Cette expertise, habituellement associée à l’univers premium, se retrouve aujourd’hui transposée à une mission d’un tout autre ordre : rendre l’électrique accessible. La difficulté est immense. Les batteries pèsent lourd sur le coût de revient, tandis que l’ADN de Dacia repose sur l’accessibilité.

Les premiers jalons sont fixés : une citadine électrique en 2026 sous la barre des 18 000 €, produite en Europe pour réduire la dépendance à la Chine ; une Sandero électrifiée attendue en 2027, qui ambitionne de devenir la démocratisation ultime de la mobilité électrique. Mais la route est semée d’embûches.

Une concurrence plus agressive que jamais

Face à Dacia, Citroën repositionne ses modèles autour de l’accessibilité, notamment avec la C3. Fiat prépare ses propres armes dans le segment populaire. Et les constructeurs chinois, déjà maîtres dans la production de véhicules électriques à bas coûts, poursuivent leur percée en Europe avec des offres redoutables.

Dans ce contexte, l’expérience de Katrin Adt en retail pourrait devenir un atout stratégique. Optimiser les réseaux de distribution, ajuster la valeur perçue par les clients et affiner la lecture des marchés : autant de leviers capables de maintenir la compétitivité sans dénaturer l’ADN Dacia.

Des normes européennes toujours plus contraignantes

L’équation économique ne dépend pas seulement de la concurrence. Les réglementations européennes imposent des standards coûteux : sécurité renforcée, aides à la conduite obligatoires, objectifs CO₂ stricts. Chaque nouvelle exigence vient rogner les marges, déjà limitées sur lesquelles repose le succès de Dacia.

C’est là que la dirigeante pourrait transformer la contrainte en opportunité. Adapter la simplicité historique de Dacia aux nouvelles règles tout en maintenant des prix bas sera l’un des exercices les plus complexes de sa carrière.

Une autonomie sous surveillance

Autre changement majeur : Fabrice Cambolive, patron de Renault, cumule désormais la fonction de “Chief Growth Officer” pour Renault et Dacia. L’objectif est clair : éviter que le succès de Dacia n’éclipse la marque mère.

Conséquence directe, l’indépendance stratégique de Dacia s’amenuise. Ses choix produits et ses grilles tarifaires devront désormais s’accorder avec la feuille de route globale du groupe. Une cohabitation qui demandera un équilibre délicat entre liberté créative et discipline commerciale.

Un calendrier déjà chargé

ÉchéanceProjetPrix cibleLieu d’assemblage
2026Citadine électrique< 18 000 €Europe
2027Sandero électriqueÀ définirÀ confirmer
2035Fin du thermique

Ces étapes marquent la cadence d’une transformation industrielle que Dacia ne pourra pas se permettre de rater.

Réinventer les recettes du succès

Simplification, volumes élevés, coûts maîtrisés : les ingrédients qui ont façonné la réussite de Dacia devront être adaptés à l’ère des batteries et des logiciels. Gestion thermique, autonomie, fiabilité électronique : autant de domaines nouveaux à dompter.

Le passé premium de Katrin Adt pourrait alors jouer un rôle inattendu. Plutôt que de se limiter à suivre la vague, Dacia pourrait anticiper certaines tendances, imaginer des solutions originales et renforcer son avance dans le domaine de l’électrique abordable.

Un pari risqué mais stratégique

La nomination de Katrin Adt illustre une volonté claire : injecter une vision différente dans une marque devenue cruciale pour Renault. L’équilibre sera subtil entre préserver l’ADN Dacia et réussir une électrification accessible dans un marché saturé de contraintes et d’adversaires.

Si la marque franco-roumaine parvient à répliquer son modèle économique au monde de l’électrique, elle pourrait écrire une nouvelle page de l’automobile européenne. Un pari risqué, mais peut-être l’un des plus audacieux de Renault dans la décennie.